INTERVIEW - Véronique Bouzou

24/10/2012 18:36

INTERVIEW - Véronique Bouzou, prof de français depuis une dizaine d’années, auteure d’un essai intitulé «Le vrai visage de la téléréalité»...

 

Quelles conséquences a, selon vous, la téléréalité sur les élèves?

 En début d’année scolaire, lorsque je demande à mes élèves ce qu’ils veulent faire plus tard, ils répondent «je veux devenir star». Star, en soi, ça ne veut rien dire! On est une star dans un domaine précis: la musique, le cinéma, etc. Ce sont les programmes de téléréalité qui engendrent cette formulation, car on n’y récompense pas le mérite mais des illusionnistes prêts à tout pour se faire connaître.Ce qui fait rêver les élèves, c’est de passer à la télé, seul moyen d’exister pour eux. Du coup, ils ne voient plus à quoi cela sert d’étudier et préfèrent avoir un diplôme de la Star Ac’ plutôt que le bac. C’est une remise en cause complète de l’enseignement.

 

Dans votre essai, vous parlez de «faillite de l’autorité» des enseignants. Or les candidats sont très dociles face aux ordres donnés par la production des programmes. C’est donc qu’ils savent obéir?

 Dès que les élèves sont filmés, ils sont prêts à vendre père et mère. Ils changent de comportement dès qu’ils sont face à une caméra. Si j’en mettais une dans ma classe, peut-être travailleraient-ils davantage?

 

Vous dites que la téléréalité provoque un appauvrissement du langage des élèves. Est-ce vraiment le fait de la télé ou le résultat, plus général, d’une lente érosion?

 Certes, la paupérisation du langage était déjà notable avant le premier «Loft Story», en 2001. Mais la téléréalité a accentué le phénomène. La faiblesse du vocabulaire employé est flagrante. Tout est toujours «trop bien» dans la bouche des candidats. En classe, idem. Quand on étudie un texte en cours, il arrive que des élèves de 4e demandent le sens du mot «obscurité».

Or quand on supprime la richesse du langage, on supprime les concepts, et par conséquent, la pensée. C’est à ce moment qu’intervient la violence…

 

La violence dans les collèges est le fruit de la téléréalité?

 Puisque les ados ne peuvent plus se défendre en argumentant avec des mots, ils s’insultent et en viennent au physique.

 

La téléréalité ne permet-elle pas aux élèves de mieux comprendre les mécanismes de production d’émission, la place du montage, de l’image?

 Je ne crois pas. Ils restent très passifs devant la télé et ne décryptent pas les images. Si on les laisse seuls devant l’écran, ils ne développent aucun esprit critique. C’est la mission des professeurs de montrer comment la production peut manipuler le déroulement de l’émission ou d’expliquer le rôle des chauffeurs de salle…

 

 

 

 

 

Recueilli par Alice Antheaume